Turquie / Syrie : les raisons de la colère
Mercredi, face aux tirs d’obus de l’armée de Bachar El Assad, Ankara riposte et bombarde la Syrie. Le Parlement turc a autorisé le gouvernement à intervenir même si Damas s’est excusée. Les tensions entre les deux pays ne datent pourtant pas d’hier et resurgissent intensément en ces périodes de crise.
Le bombardement Syrien du mercredi 3 octobre, dans le village frontalier d’Alçacale en Turquie, a fait 5 morts : 1 femme et ses 4 enfants. 5 morts de trop. Ankara ne pouvait pas laisser passer. Ce n’est pas la première fois : le 26 septembre dernier, un tir d’obus a détruit une maison dans cette même localité. Sans oublier l’avion de chasse turc, un F-4, abattu en plein vol le 22 juin dernier. Cette fois, les Turcs devaient « marquer le coup », pour éviter que Damas ne se croit tout puissant. Une demi-heure après les tirs d’obus syrien, Ankara a commencé à bombarder des cibles en Syrie.
Cette escalade de la violence entre les deux pays est redoutée depuis des mois par l’ONU. Lakhdar Brahimi, le médiateur international de l’ONU pour la crise syrienne, évoque une situation éventuellement« catastrophique pour la région ». Pourtant, les tensions entre la Turquie et la Syrie sont ancrées dans l’histoire et portent sur des sujets très sensibles.
Le territoire d’Hatay, plus connu sous le nom de Sandjak d’Alexandrette, constitue la première pomme de discorde entre Ankara et Damas. Jusqu’en 1939, il fait partie de l’actuel territoire syrien, alors sous mandat français. A son départ, la France le cède à la Turquie. Dès son indépendance en 1936, la Syrie réclame le Sandjak d’Alexandrette, en vain. Damas continue de considérer que ce territoire accordé aux Turcs lui revient de plein droit.
L’enjeu du partage des eaux du Tigre et de l’Euphrate n’est pas à négliger non plus. L’administration des deux fleuves par la Turquie, où ils trouvent leurs sources, s’est faite au détriment de ses voisins Syrien et Irakien. Le long de l’Euphrate, la Turquie a mis en place 5 grands barrages destinés à l’irrigation ou à la production d’énergie. Résultat : très peu d’eau arrive réellement en Syrie et en Irak qui appellent la mise en place d’un statut « international » de ces ressources hydrauliques.
Déjà pendant la Guerre froide, il est important de noter que les deux pays se sont retrouvés dans des camps ennemis. La Turquie a rejoint l’OTAN en 1951 tandis que la Syrie a signé un traité d’assistance avec l’URSS en 1957.
Enfin, la question kurde envenime les relations turco-syriennes. Du côté des « anti-impérialiste », la Syrie accueille à partir de 1982 le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) ainsi que son chef Abdullah Öcalan. Inspirés du marxisme-léninisme, ils se déclarent en guerre contre l’Etat turc à partir de 1984.
Aujourd’hui, malgré l’autorisation d’intervenir en Syrie accordée par le Parlement turcs au gouvernement, Ankara déclare ne pas souhaiter la guerre. De son côté, Damas s’est officiellement excusé, suivant les conseils de la Russie. La communauté internationale a condamné les tirs syriens mais appelle à l’apaisement.
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