Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
ILERI-Défense

« Nos soldats ont une volonté d'épreuve et de difficulté »

24 Juillet 2012 , Rédigé par ileridefense Publié dans #France

« Nos soldats ont une volonté d'épreuve et de difficulté »
samedi 21 juillet 2012
Entretien

Le contre-amiral Christophe Prazuck, commandant la force maritime des fusiliers marins et commandos.

Vous allez partir après deux ans de commandement de la force maritime des fusiliers marinset commandos. Qu'allez-vousen retenir ?

Plein de choses. Je serais bien resté dix ans. C'est une expérience très forte au sein d'une force très importante de 2 300 hommes. Elle est également très engagée dans des missions difficiles et dangereuses, au cours desquelles on a perdu deux camarades. Cette responsabilité, c'est ce que je retiendrai.

C'est une force particulièredont vous n'êtes pas issu.Quel regard portez-vous surles fusiliers et commandos ?

Ce qui rend cette force attachante, ce sont les hommes. Ce sont des gens qui sortent du commun. Je suis admiratif. Ils ont une volonté d'épreuve et de difficultés.

Qu'est-ce qui vous a le plus marqué pendant ces deux ans ?

Il y a deux événements qui m'ont particulièrement marqué. Ce sont les décès de Jonathan Lefort et Benjamin Bourdet. Ils sont morts au combat, exactement dans la fonction à laquelle ils étaient préparés. Ce n'est pas par hasard, ni par erreur, ni par accident.

Cela démontre le danger des opérations confiées aux commandos marines. En tout cas, on ne peut pas dire qu'ils sont morts pour rien. Un soldat meurt toujours pour quelque chose.

Ne pensez-vous pas que le retrait d'Afghanistan intervient avant que la mission ne soit achevée ?

La mission d'un militaire est de faire ce que lui dit le politique. Il est là pour exécuter, pas pour discuter. C'est souvent difficile de juger ce qu'on a fait. Mais si on regarde bien, il y a cinq ans, il n'y avait pas d'armée afghane.

Les commandos ont beaucoup travaillé, à la formation de forces afghanes, à accompagner leur montée en puissance. Nous sommes passés de rien à quelque chose qui tient la route.

Depuis 2009, des fusiliers et commandos sont également engagés dans la lutte contre la piraterie. Pouvez-vous dresser un bilan de ces missions ?

En permanence, il y a une centaine de marins, des commandos, des fusiliers, des marins des bateaux... qui sont sur une vingtaine de bateaux de pêche, cargos, câbliers... en océan Indien, dans les zones dangereuses. C'est un dispositif qui perdurera tant que la menace existe. Elle a faibli récemment, mais à mon avis, elle est durablement installée dans le paysage. On sait qu'elle peut migrer. Elle a existé dans le détroit de Malacca, il y a une quinzaine d'années. Aujourd'hui c'est une autre forme de piraterie au large de la Somalie. Depuis 2009, on a dû repousser six attaques. 300 otages potentiels ont été épargnés par l'action des équipes de protection embarquée.

« Entre Plouhinec et Plouharnel, si nous n'avions pas été là,ce serait « béton-sur-mer »

Plus localement, on entend parfois des inquiétudes surle devenir de la Marine ici ? Sur des terrains que les élus voudraient récupérer comme Gâvres par exemple ?

Ce sont des bobards. Là on lance de gros travaux d'infrastructure sur les stands de tir, nous allons refaire nos installations d'entraînement opérationnel, on va lancer le plan de rénovation de tous les bâtiments des commandos... Donc il n'est pas question qu'on parte.

À Gâvres, il y a toute une partie qui ne nous sert plus. Sous l'égide du préfet il y a des réunions pour savoir ce que va devenir l'ancienne caserne par exemple. En revanche, toute la partie devant Plouhinec jusqu'à Plouharnel nous est indispensable. En tout cas, nous travaillons avec les maires avec qui nous avons des relations de confiance. Il n'y a donc aucune menace. Personne ne veut récupérer nos terrains. Certains disent même que si nous n'avions pas été là, ce serait « béton-sur-mer ».

Outre les sites d'entraînement,la Marine pourrait-elle céderdes bâtiments ?

Il faut reconnaître que ce que l'on faisait avant tout seul, on ne le peut plus. C'est le cas du cercle de Lorient. Il y en a un quai des Indes, un à Colbert et un autre à Kernevel à Larmor-Plage. Pour ce dernier, nous avons signé un partenariat avec la mutuelle de la Défense pour que les familles des militaires en rééducation à Kerpape y soient hébergées gratuitement.

Par ailleurs, nous allons certainement fermer le cercle Colbert et regrouper la restauration et l'hôtellerie quai des Indes. Dans ce cas précis, on pourrait imaginer que la mairie soit intéressée pour acheter le bâtiment. Mais nous n'en sommes pas là.

« Je suis rentré dansla Marine parce que j'ai vuLe Crabe Tambour. »

Sur un ton plus léger, vous avez ouvert la porte des commandos au cinéma. Cette expérience témoigne-t-elle d'une volonté d'ouverture ?

Nous avons la volonté de nous ouvrir. Mais cela n'est pas facile parce qu'en même temps il y a plein de choses qu'on ne veut pas montrer. C'est une occasion de parler et de montrer la valeur des hommes, de ces marins que les gens ont l'habitude de voir sous une cagoule.

Cela nous sert également pour le recrutement. La sélection est tellement difficile qu'il faut du monde au départ. Moi je suis rentré dans la Marine parce que j'ai vu Le Crabe Tambour. Je suis un exemple vivant de l'impact du cinéma.

La journée de solidarité organisée le 30 juin dernier montre également une volonté d'accorder plus de placeaux familles ?

Le temps où la femme ne faisait pas partie du sac n'existe plus. On ne peut pas demander à des gens de prendre des risques importants dans des missions très difficiles en ignorant la famille qui est restée derrière, avec ses questions, ses doutes, son angoisse.

C'est important de leur montrer qu'on se préoccupe d'elle, qu'on est là. C'est notamment dans ce cadre qu'on a monté une cellule de soutien aux familles, pour résoudre des problèmes s'il y en avait.

Le 29 août prochain aura lieula passation de commandement avec votre successeur,le capitaine de vaisseauOlivier Coupry. Avez-vousdes conseils à lui donner ?

Il est commando, donc il connaît bien la force. Mieux que je ne la connaissais avant d'arriver. Ici, même si les murs ne bougent pas, on a beaucoup modifié et ajusté la force. Elle est à la fois forgée dans l'histoire et très adaptable. Sa raison d'être reste le combat en mer. Mais les menaces, les techniques ont changé. On a su s'adapter. Cette mobilité intellectuelle de la force est très importante pour être capable de répondre aux missions qui nous sont confiées.

En septembre, vous allez rejoindre la directiondu personnel de la Marine. Comment envisagez-vousce prochain poste ?

Je vais être DRH de la Marine. C'est un beau poste avec de grosses responsabilités. La Marine compte 40 000 personnes. Je suis particulièrement honoré d'avoir été choisi pour l'occuper.

Recueilli parChristel MARTEEL
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article