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ILERI-Défense

La nouvelle stratégie militaire de la France

13 Février 2012 , Rédigé par ileridefense Publié dans #France

Service du Premier ministre, le SGDSN ne craint pas d'enfoncer des portes ouvertes, dans un document de préparation d'un futur livre blanc stratégique

Photo d'illustration

 

En matière d'analyse stratégique et de prospective, certains documents font date. D'autres non. C'est clairement le cas pour le devoir de justification des options stratégiques de Nicolas Sarkozy, que vient de publier le SGDSN (Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale) sous le titre La France face aux évolutions du contexte international et stratégique.

Dès le départ, on est rassuré par le sommaire de l'ouvrage de 80 pages : il nous apprend que "la mondialisation demeure le processus structurant du contexte stratégique international", merci du tuyau. Puis il précise : "Le spectre de la violence armée s'élargit." Ce qui est pourtant discutable si l'on veut se bien se souvenir que des centaines de conflits se succèdent sans interruption sur la planète depuis 1945. Il ajoute, sans se tromper, que "les crises perdurent", que "les vulnérabilités se confirment" et que "les tensions sur les ressources énergétiques s'accroissent". Mais ne jetons pas la pierre aux auteurs anonymes de ce texte qui devaient avoir à l'esprit le percutant aphorisme de Pierre Dac : "La prévision est un art difficile, surtout quand elle concerne l'avenir."

Préoccupations stratégiques

On retrouvera bien sûr dans ce texte les grandes préoccupations stratégiques de l'heure : les progrès de l'Iran vers la possession de l'arme nucléaire ou la déstabilisation généralisée du monde arabe, la montée du terrorisme ou de la criminalité organisée. Mais la rhétorique n'est pas toujours convaincante, par exemple quand on lit : "Les flux de prolifération nucléaire, biologique, chimique et balistique évoluent rapidement. (...) Depuis 2008, les échanges et les synergies entre États proliférants se sont accélérés." On croirait lire du George W Bush ou du Donald Rumsfeld avant l'invasion de l'Irak ! Mais encore ? On reste confondu quelques pages plus loin par l'analyse peu sérieuse de l'accident nucléaire de Fukushima. Ce désastre technologique sans précédent dans un pays industriel moderne n'est pas inquiétant en soi, nous expliquent les savants du SGDSN, car "cette catastrophe a surtout eu un impact sur l'opinion économique mondiale, dans un contexte de circulation accélérée de l'information". Réjouissons-nous donc, car ce désastre n'a pas provoqué de "remise en cause généralisée des choix d'évolution du mix énergétique mondiale". Le texte fait mine de redécouvrir la "nécessaire sécurisation des ressources énergétiques" qui est pourtant au coeur des stratégies françaises (Moyen-Orient, Algérie, Afrique occidentale) depuis plus de soixante ans et qui a justifié pour une large part le dimensionnement global de son outil militaire par notre pays.

Options stratégiques de Nicolas Sarkozy

On passera rapidement sur la justification de l'ensemble des options stratégiques choisies depuis 2008 par Nicolas Sarkozy, y compris durant la crise financière, pour s'arrêter sur une seule : celle conduite par la France dans le cyberespace. Cette politique assez discrète est axée sur deux priorités, la défense et l'attaque. Pour la première, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) se trouve aux manettes et veille à la sécurité des systèmes d'information gouvernementaux. En attendant la crise qui ne manquerait pas de se produire en cas de cyberattaque d'un organe informatique vital. Mais, dans ce cas, la France s'est dotée de capacités de ripostes qui demeurent secrètes mais n'en disposent pas moins de moyens humains et matériels importants. Pour combien de temps ?

Quels moyens à l'avenir ?

Car ce texte paraît à l'heure où chaque militaire sait, du général au caporal des douches, que la période qui suivra l'élection présidentielle sera, dans tous les cas de figure, extrêmement difficile pour le budget de la défense. Or ce "document préparatoire" n'aborde absolument pas la question des ressources financières, donc de la réduction du format des armées françaises, pourtant inéluctable. Ce sera le travail du prochain livre blanc, qui risque d'être autrement plus tonitruant que ce laborieux exercice d'autosatisfaction, flirtant parfois avec la brochure de campagne électorale. On l'aura noté : ce document est anonyme. Les réunions qui l'ont préparé ont été tenues dans la discrétion, et leurs participants ont vocation à rester cachés. À notre humble avis, il aurait pu en être de même de ce texte.

 

par Jean Guisnel, Lepoint, Défense Ouverte

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