EADS ne devrait pas s'en tenir à la date butoir du 10 octobre, imposée par la réglementation britannique, pour boucler son projet de méga-fusion avec le groupe de défense BAE Systems. "Je pense que nous aurons besoin de plus temps", a reconnu, jeudi 27 septembre, Thomas de Maizière, ministre allemand de la défense, à l'issue d'une réunion à Nicosie (Chypre), avec ses homologues français et britannique.
Pourtant, jeudi, la direction du groupe européen d'aéronautique et de défense"prévoyait d'être capable d'apporter des éclaircissements d'ici au 10octobre". La tonalité semble différente parmi les conseillers d'EADS. L'un d'entre eux précise que la pratique et la réglementation britannique autorisent "à demander une extension du délai si les deux parties sont toujours en discussion". Mais, il laisseentendre que "la dynamique des discussions entre EADS et BAE les conduit toujours à prévoir la fin des discussions pour le 10 octobre". D'ailleurs selon lui :"Aucun état n'a mis la lumière rouge" pour mettre fin à la fusion.
Paris et Berlin voient les choses autrement. L'échéance est trop "courte, compte tenu de la complexité des choses qui sont sur la table", avait déjà laissé entendre, le 26 septembre, une source gouvernementale française.
Côté allemand, M. de Maizière a indiqué avoir eu des "discussions constructives"avec ses homologues à Nicosie. Il n'empêche, l'audition, le 26 septembre, de Tom Enders, président exécutif d'EADS, devant la commission des affaires économiques du Bundestag, le Parlement allemand, n'a pas dissipé toutes les interrogations. Loin de là ! "Nous sommes sortis de l'audition avec plus d'interrogations qu'en y entrant", a déclaré une députée écologiste.
Berlin et Paris s'activent auprès de la direction d'EADS pour "négocier des engagements écrits sur l'emploi et le maintien des outils industriels". La question de la présence au capital des Etats est également au cœur des discussions, Berlin ayant comme principal souci de maintenir un équilibre avec Paris.
La fusion avec le britannique BAE provoquera un double effet sur le tour de table d'EADS. Le pacte d'actionnaires franco-allemand sera caduc et les participations des actionnaires actuels des deux groupes seront diluées, alors qu'EADS devrait dans le schéma actuel détenir 60 % du nouvel ensemble et BAE 40 %.
En pratique, la France, qui possède aujourd'hui 15 % du capital d'EADS, devraitvoir sa part du futur groupe réduite aux alentours de 9 %. Les 7,5 % de Lagardère, associé à l'Etat dans la Sogeade, ne pèseront plus que près de 5 %.
Côté allemand, les 22,5 % de Daimler, associé à un consortium de banques, seront dilués dans les mêmes proportions. Mais le groupe allemand n'a pas caché son intention de sortir du capital au meilleur prix, jugeant d'ailleurs que la parité prévue est insuffisante.
RESTÉ FERME
Si l'Allemagne souhaite maintenir la parité avec la France, il lui faudra racheter la part de Daimler, ce qui pourrait lui coûter 5 milliards d'euros. A moins que Paris renonce à être actionnaire du nouvel ensemble. Ce dont le gouvernement ne semble pas vouloir entendre parler pour l'heure. Comme Berlin, Londres (qui n'est pas au capital de BAE) préférerait que Paris ne soit pas actionnaire du futur BAE/EADS.
Face aux députés allemands, Tom Enders est resté ferme. Le patron d'EADS a rappelé son opposition à une participation directe des Etats au tour de table, jugeant qu'une action spéciale suffit. "Cela accorderait à l'Allemagne pour la première fois les mêmes droits qu'à la France et la Grande-Bretagne et cela sans que le gouvernement ait à débourser un seul euro", a indiqué M. Enders.
Selon lui, la parité de 60/40 est "très équitable" et "cette valorisation n'a pas été faite au doigt mouillé". Un négociateur du rapprochement précise que cette parité"exprime le fait que ce n'est pas une fusion entre égaux mais bien une prise de contrôle de BAE par EADS".
Un report risque de fragiliser la fusion. De plus, si ce rapprochement est entériné, EADS devra encore obtenir l'accord des autorités américaines pour avaler BAE dont le Pentagone est le premier client. Le Comité pour les investissements étrangers aux Etats-Unis (CFIUS) a deux mois pour rendre son avis.