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ILERI-Défense

Les armées face aux réseaux sociaux

30 Juillet 2012 , Rédigé par ileridefense Publié dans #France

Les armées face aux réseaux sociaux
Publication: 30/07/2012 10:22
 
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Article co-écrit par Thomas Rid
Thomas Rid est professeur associé (Reader) au Department of War Studies du King's College de Londres.


USAGE DES RÉSEAUX SOCIAUX - Les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter représentent un défi particulier pour les armées, et ce pour au moins trois raisons.

La première est démographique

Les tranches d'âge les plus actives sur Facebook (les 18-25 ans et les 26-34 ans) sont également les plus nombreuses dans les armées. La part des 18-34 ans correspond ainsi à environ 80% des armées françaises, la proportion étant encore plus élevée dans les pays ayant recours à la conscription.

La deuxième raison a trait à la nature du métier militaire

Pour les soldats, la discrétion, voire le secret, s'impose, sous peine de mettre en cause la sécurité des opérations. Des plans dévoilés sur Facebook ou des vidéos postées sur YouTube peuvent, en théorie du moins, mettre en danger la vie des troupes.

La troisième raison est d'ordre institutionnel

L'armée est un appareil centralisé et hiérarchisé dont le fonctionnement correspond a priori assez mal à la structure décentralisée et aux dynamiques "bottom up" des nouveaux médias. Il est donc légitime de se demander comment la "Grande Muette" gère l'émergence de la "société de conversation".


Les armées doivent-elles craindre les réseaux... par Ifri-podcast

Nombre de militaires -surtout parmi les plus âgés et donc les plus gradés- appréhendent les réseaux sociaux à l'aune des risques. Leurs craintes sont généralement nourries d'exemples provenant de l'étranger, en particulier d'Israël.

Les risques des réseaux sociaux dans l'armée

Le premier risque identifié est celui de la fuite "involontaire", au sens où des soldats peuvent mettre en ligne des informations sans se rendre compte ni de leur caractère sensible, ni de l'impact qu'elles peuvent avoir en termes de sécurité. En 2010, une opération de l'armée israélienne a ainsi été annulée suite à sa révélation sur Facebook par un soldat. Ce dernier avait écrit: "Mercredi, on nettoie [le village de] Qatana et jeudi, si Dieu veut, on rentre à la maison".

Le deuxième risque est politique: des images de guerre choquantes peuvent être publiées sur Internet et provoquer des condamnations morales et politiques. C'est ce qui s'est passé en Israël lorsqu'une ancienne militaire, Eden Abergil, a publié des photographies de prisonniers palestiniensdans des postures dégradantes.

Le troisième risque est celui d'une infiltration, ce qu'auraient réussi à réaliser des membres duHezbollah en créant un avatar prenant les traits d'une jeune Israélienne, Reut Zukerman.

Il ne faudrait toutefois pas exagérer l'importance de ces trois cas en considérant la situation française à travers le prisme israélien: l'immense majorité des militaires français qui utilisent Facebook en font un usage prudent et raisonnable. Peut-être faut-il y voir un signe de l'efficacité des campagnes de sensibilisation aux dangers des réseaux sociaux menées dans les régiments?

Les réseaux sociaux peuvent aussi présenter des avantages

Se focaliser sur les risques revient à éluder l'autre face de la médaille: les réseaux sociaux offrent aussi des opportunités aux armées. Ces dernières se servent de ces nouveaux outils de communication à des fins de relations publiques. Alors que le thème de la dissolution du "lien armée nation" est plus prégnant que jamais, les médias sociaux peuvent permettre aux armées de renouer le contact avec les civils, notamment avec les jeunes. Le ministère de la Défense dispose par exemple d'un espace spécifiquement dédié aux jeunes sur Facebook: "Parlons Défense" compte près de 12.000 "fans".

Les armées se servent aussi des réseaux sociaux pour recruter. Aux États-Unis, chaque centre de recrutement de l'Army dispose de sa page sur Facebook. Nous n'en sommes pas là en France, mais la page "Recrutement armée de Terre" compte tout de même 250.000 fans.

Une autre tendance, peu développée en France jusqu'à présent, consiste à utiliser le web social au sein des armées afin de mener des projets collaboratifs. Des plateformes sécurisées peuvent être créées pour l'occasion. Les Américains ont, dans ce domaine aussi, une longueur d'avance. Les sites Companycommand et Platoonleader -qui permettent à de jeunes officiers d'échanger sur tous les sujets, y compris sur des détails tactiques- existent déjà depuis une dizaine d'années. Plus récemment, une expérience de mise à jour de doctrines à l'aide d'un logiciel de type "wiki" a été mise en œuvre.

En somme, les armées occidentales ont compris que les réseaux sociaux offrent de réels avantages qui permettent de contrebalancer les risques. Elles se sont donc adaptées au nouvel environnement médiatique en sachant globalement résister à la tentation de la censure. Toutes les armées ne se comportent pourtant pas de la sorte. En 2011, l'armée chinoise a pris une décision radicale: interdire purement et simplement aux militaires de se connecter aux réseaux sociaux.

Pour en savoir plus: Les armées doivent-elles craindre les réseaux sociaux? paru dans la revue Politique étrangère (été 2012).
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