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ILERI-Défense

L’Iran en crise ne peut plus financer le Hezbollah

1 Mars 2015 , Rédigé par ileridefense Publié dans #Proche-Orient- Moyen-Orient- Monde Arabe

L’Iran en crise ne peut plus financer le Hezbollah

Les restrictions de l’aide financière iranienne au “parti de Dieu” sèment le trouble au sein de la communauté chiite libanaise, qui doit à présent compter sur elle-même.

Lorsque l’économie iranienne était prospère, Téhéran avait dépensé sans compter pour satisfaire les besoins et exigences de son protégé, le Hezbollah [libanais]. Au Liban, les chiites ont longtemps profité des services et de l’aide que leur procurait l’argent iranien. Par ailleurs, la“résistance du Hezbollah” [contre Israël] était pour eux une bonne cause qui accumulait les victoires et leur donnait une fierté politique.

Mais les choses ont changé depuis, et les ambitions régionales de l’Iran ont pris de l’ampleur. Le programme nucléaire de Téhéran est devenu une réalité qui en impose. L’Iran contrôle à présent le Liban, la Syrie, l’Irak et le Yémen, et finance des armées et des milices dans chacun de ces pays. Mais combien d’armées un pays peut-il entretenir ?

Les armées pro-iraniennes se multiplient et nécessitent toujours plus de moyens, alors que le budget national – et donc, au final, les dépenses du pays – a été amputé d’au moins 50 % en raison des sanctions et de la chute du prix du pétrole. Aujourd’hui la population iranienne a à peine de quoi se nourrir, alors que son gouvernement doit financer le Hezbollah au Liban et en Syrie, l’armée et les milices du régime syrien d’Assad, divers groupes militants en Irak et les houthistes au Yémen. Aussi l’Iran a procédé à quelques coupes afin de retarder un possible effondrement et en espérant que le dossier nucléaire tournera à son avantage.

La carte Nour

La priorité, bien entendu, va à ses opérations en Syrie et aux milices irakiennes, car ensemble elles constituent pour Téhéran sa guerre la plus importante dans la région. C’est pourquoi c’est le Liban – ou plutôt le public du Hezbollah au Liban – qui a le plus pâti des restrictions financières. Les services à la population ont dû être interrompus. Et en sus de l’arrêt des services, des réductions de salaires et des retards de paiement, une mesure encore plus douloureuse a dû être prise : la réduction de la couverture de la carte Nour.

La carte Nour est semblable à une carte de sécurité sociale. Elle permet à son titulaire de bénéficier de soins médicaux et d’autres services de base, ainsi que de ristournes dans certains magasins. A la différence des cartes Amir (de simples cartes de réduction sur les achats), auxquelles tous les chiites libanais ont encore droit, les cartes Nour ne sont distribuées qu’aux membres du Hezbollah et à leurs familles, et couvrent les soins médicaux, l’éducation et d’autres services. En bref, si vous êtes un partisan loyal du Hezbollah et que vous le prouvez en assistant aux meetings du mouvement, si vous vous portez volontaire pour participer à ses activités et initiatives institutionnelles, vous aurez droit à une carte Nour.

Scandales

Avec la carte Amir, vous bénéficiez déjà d’une réduction de 50 % sur quasiment tous vos achats dans les banlieues sud de Beyrouth, le sud du pays et la Bekaa, depuis les produits et services de base comme la nourriture, les manuels scolaires et les vêtements jusqu’à des produits de luxe comme le mobilier, les salons de beauté et les bijoux. Mais la carte Nour est une sorte de carte d’identité attestant que son détenteur est un citoyen de l’“Etat du Hezbollah”.

Réduire ces services signifie plus qu’une simple crise financière. Cela montre que le Hezbollah devient un “Etat” non fiable, un peu comme l’Etat libanais pendant la guerre. Et en plus de son économie vacillante, le “parti de Dieu” a été récemment éclaboussé par une série de scandales de corruption, de production illégale de comprimés de Captagon [une amphétamine], de gangs de voleurs de voitures, d’espions à la solde d’Israël et de diverses malversations financières. En plus de tout cela, les familles des jeunes combattants du Hezbollah qui trouvent la mort en Syrie n’obtiennent de la part du parti qu’une maigre compensation par rapport à celle versée aux familles des “martyrs” pendant la guerre [contre Israël] de 2006.

Ce n’est qu’une question de temps avant que le public du Hezbollah ne commence à ressentir pleinement les effets de la crise. Du fait qu’il perd de sa fiabilité au Liban, qu’il ne remporte aucune victoire en Syrie et que l’Etat islamique [Daech] ne cesse de se rapprocher de la frontière libanaise, le Hezbollah devient extrêmement vulnérable. Les promesses fantaisistes de la réapparition de l’imam Al-Mahdi en Syrie [l’imam caché dont les chiites attendent le retour] ont perdu toute substance. Al-Mahdi, dont le retour est le rêve ultime des chiites, persiste à rester caché tandis que les islamistes sunnites ont réalisé leur propre rêve : la création d’un califat [de l’Etat islamique].

Les chiites du Liban se sentent envahis par un sentiment de peur et d’impuissance. L’Etat islamique est à leurs portes et le Hezbollah est impuissant à l’arrêter. L’Iran a cessé ses envois de subsides. Et où donc alors se cache le Mahdi ?

Fierté

Face à cette situation, le Hezbollah a noué le dialogue avec le Courant du futur [mouvement politique libanais sunnite créé par l’ancien Premier ministre assassiné Rafic Hariri]. Bien entendu, comme tout le monde sait, le Hezbollah ne cédera rien. Car la fierté est tout ce qui reste aux chiites libanais. Mais alors pourquoi le Hezbollah a-t-il pris langue avec le Courant du futur ?

On a le sentiment qu’il ne discute que pour le plaisir de discuter, mais en réalité, en faisant durer les discussions, le Hezbollah tente de se ménager une solution de repli au Liban. Il sait que sa guerre en Syrie se terminera mal. Il sait que sa propre population ne tolérera pas longtemps cette guerre et la crise financière qui l’accompagne. Et si l’Iran ne parvient pas à un accord avec les Etats-Unis, il n’aura d’autre choix que de se ménager une place sur l’échiquier libanais.

Les ressources et les institutions de l’Etat libanais deviendront vitales et le Hezbollah devra plus que jamais s’appuyer sur elles. Il devra compter sur les sunnites libanais pour accueillir son retour politique au pays, alors que cela fait des années qu’il massacre les sunnites dans la région. Si le Hezbollah devait opérer son retour au Liban, et si ce retour n’était pas jugé bienvenu, les chiites se retrouveraient totalement isolés. Qui les protégerait d’une possible vengeance ?

Le dialogue noué récemment devrait se consacrer avant tout à cette question. Car sans une stratégie sérieuse, une guerre entre chiites et sunnites au Liban est inévitable. Et c’est là une très mauvaise nouvelle pour le “parti de Dieu” s’il a l’intention de survivre.

source: Courrier International, extraits d'un article d'Hanin Ghaddar publié le 11 février dans Now. (Liban)

relayé par B. Longère

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