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ILERI-Défense

Disparus du Mexique: l'Etat est plus prompt à enterrer les enquêtes qu'à retrouver les corps

23 Février 2015 , Rédigé par ileridefense Publié dans #Amérique latine

Depuis 2006, on a perdu la trace de plus de 20.000 Mexicains –5.000 rien qu'en 2014. La plupart sont des hommes, jeunes, et pauvres, et les familles, contrairement aux autorités, se refusent à classer les affaires.

La version officielle établit que les jeunes gens qui étudiaient pour devenir instituteurs ont été brûlés dans une décharge par des membres du cartel Guerreros Unidos, ce que les familles des étudiants refusent de croire. Ils ne sont officiellement plus disparus, donc plus recherchés, sauf par leurs proches. Sur les quarante-trois étudiants enlevés d'Ayotzinapa, seul un corps a été identifié grâce à son ADN.

Alors qu'un reportage de l'hebdomadaire d'investigation Proceso implique les militaires dans la disparition des étudiants, la Procuraduría General de la República (PGR) refuse d'explorer cette piste. Selon le dossier d'instruction que Proceso a pu consulter, au moins une dizaine d'inculpés présentaient de graves blessures après leur arrestation, sans doute des séquelles de torture.

«La version officielle selon laquelle un incendie dans la décharge de Colula a détruit les restes des quarante-trois jeunes se fonde seulement sur des confessions et sur un minimum de preuves scientifiques», a écrit le 28 janvier, Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques d'Amnesty International. Pour Perseo Quiroz, directeur pour le Mexique d'AI,«la torture est une pratique généralisée au Mexique qui a été utilisée dans la majorité des affaires sensibles».

Que fait l'Etat?

Au Mexique, avant de trouver les corps, pour permettre aux familles de faire leur deuil, la priorité est trop souvent à l'enterrement des enquêtes. Depuis décembre 2006, plus de23.000 personnes ont disparu, selon les chiffres officiels (Unidad Especializada de Búsqueda de la Procuraduría General de la República). Plus de la moité de ces disparitions se sont produites depuis l'arrivée au pouvoir d'Enrique Peña Nieto, en 2012, et seulement six cas ont abouti à une condamnation. Des chiffres édifiants.

Des chiffres qui mettent en relief l'incurie de l'Etat. Sa complicité? Selon le rapport annuel d'Human Right Watch sur la situation des droits de l'homme dans le monde, publié en janvier, «des membres de toutes les forces de sécurité ont continué de perpétrer des disparitions sous le gouvernement de Peña Nieto, et lors de certaines occasions, en collaboration directe avec les groupes criminels».

Du 2 au 13 février, l'Etat mexicain a d'ailleurs dû, pour la première fois, s'expliquer devant le bureau du haut commissionnaire de l'ONU pour les droits de l'homme, qui se penche sur les disparitions forcées au Mexique. Des parents d'étudiants d'Ayotzinapa ont fait le voyage jusqu'à Genève pour présenter leur cas, tandis que le chef de la délégation mexicaine, Juan Manuel Gómez Robledo, sous-secrétaire aux droits de l'homme du ministère des Affaires étrangères, a parlé d'«avancées» et a appelé les ONG à «privilégier le dialogue» et éviter de«seulement dénigrer» les autorités mexicaines.

Si le cas des étudiants de l'école normale d'Ayotzinapa a ému la communauté internationale et provoqué un mouvement de soutien populaire, il ne représente que l'étroite pointe d'un iceberg d'une profondeur abyssale, celle de destins suspendus et inconnus, ceux de milliers de disparus, que leurs familles continuent d'attendre, refusant d'accepter une mort sans corps.

Dans les environs d'Iguala, là où les futurs instituteurs ont disparu, les familles qui vivaient dans la peur se sont organisées ses dernières semaines pour mener à bien des recherches. Faute d'appui des autorités, elles grattent la terre des collines de l'Etat de Guerrero armées de bâtons, de pioches, ou seulement de leurs mains, comme le décrit un reportage de Marcela Turati pour Proceso. Plus de 300 de leurs proches ont disparu. Grâce à leur seule obstination, les familles ont découvert une soixantaine de fosses, dont seize contenaient des restes humains.

Selon un représentant de l'association Ciencia Forense Ciudadana interviewé par Proceso, 30% de ces disparus sont des chauffeurs de taxis, et 60% des paysans ou des maçons. Autrement dit, des hommes pauvres et jeunes, pour la plupart.

Ciencia Forense Ciudadana a été créée par des scientifiques pour pallier l'absence de politique de recherche des disparus. Face à des autorités apathiques ou promptes à criminaliser les victimes, l'association veut donner des outils aux citoyens pour qu'ils prennent directement en charge la recherche de leurs proches.

Source: slate.fr

Relayé par Arturo Plaza

Disparus du Mexique: l'Etat est plus prompt à enterrer les enquêtes qu'à retrouver les corps
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