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ILERI-Défense

La défense française à l’école américaine

25 Juin 2014 , Rédigé par ileridefense Publié dans #France, #Amérique du Nord, #Occident

Le 25/06/14

De Vincent Dozol, france-amerique.com

Les échanges universitaires ne sont pas le seul cadre de formation de Français aux Etats-Unis. Grâce à un partenariat datant du début des années 70, environ cinquante-cinq militaires par an de la plus ancienne alliée des Etats-Unis sont accueillis dans les bases de l’armée américaine pour suivre des formations académiques ou opérationnelles de durées variables.

A l’heure du déjeuner, les cadets de la prestigieuse académie de l’Army (armée de terre) située à West Point (New York) se regroupent par section devant les différentes entrées de l’immense salle à manger. L’alignement est parfait. Les élèves, encadrés par les statues d’Eisenhower et de MacArthur, patientent dans un silence immobile. Au milieu de cet océan d’uniformes gris et de casquettes identiques surgissent parfois des tenues qui dénotent. Un jeune homme, tête nue, porte un treillis. C’est un étudiant de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr, en formation à West Point pour un peu plus de deux mois.

La France continue d’investir dans la formation de son personnel militaire et envoie une petite partie des meilleurs d’entre eux se former aux Etats-Unis, pays incontournable dans le domaine de la défense. La crise économique a certes marqué l’armée française. Suite aux réductions budgétaires, certains observateurs se demandent si la décennie 2009-2019 ne sera pas celle du « déclassement militaire français ». La défense reste pourtant le troisième budget de l’Etat (31,4 milliards d’euros) et les partenariats de formation sont maintenus.

Une coopération continue et méconnue

Même en période de tension politique entre les deux pays, la coopération militaire s’est poursuivie et développée. L’intégration de militaires français dans des bases américaines relève de trois types de coopération : la formation académique et d’opération, la liaison ou l’échange. Les officiers de liaison sont en résidence sur de longues périodes, ils captent les dernières évolutions de doctrine et les font remonter au ministère de la Défense à Paris. Dans le cadre de l’échange, qui concerne un nombre très réduit de personnes, le soldat est complètement intégré dans une unité opérationnelle américaine, en général pendant trois ans. Il suit le même programme d’entraînement que son unité et, avec l’accord de la France, peut être envoyé en opération avec l’armée américaine.

La formation de militaires français aux Etats-Unis remonte au début des années 70. Huit cadets, alors en deuxième année à l’École de l’Air de Salon-de-Provence, sont les premiers à intégrer l’US Air Force Academy à Colorado Springs. Pour les forces armées transatlantiques, il s’agit de « forger des capacités opérationnelles entre la France et les Etats-Unis le plus en amont possible », alors que la France a quitté le commandement intégré de l’OTAN en 1966. Cette formation bénéficie plus tard à l’unité entière et permet une approche différente.

Le général Bruno Caïtucoli, chef de la mission de Défense à l’ambassade de France à Washington D.C., souligne l’importance de cette période d’exposition à la culture militaire américaine : « On a tendance à réduire ce type de coopération dite d’intéropérabilité à la simple dimension technique, comme la possibilité pour nos deux armées de communiquer par radio et d’éviter les surprises au moment des opérations communes. Mais c’est aussi un enjeu culturel, une façon différente d’aborder un problème qui enrichit en fin de compte les processus de décision. » Cette proximité s’est révélée déterminante lors des opérations conjointes récentes en Libye, au Mali et maintenant en Centrafrique. S’ils ne sont pas directement intervenus dans l’opération Serval, les Etats-Unis ont renforcé les échanges de renseignements et ont déployé des moyens de transports aériens au service des troupes françaises. La France s’est aussi retrouvée récemment seule aux côtés des Etats-Unis sur le point de déclencher des frappes aériennes en Syrie.

L’aéronavale en première position

En octobre 2013, une cinquantaine d’officiers français étaient en formation académique et opérationnelle dans des centres éducatifs ou des écoles techniques. La durée de leur séjour est très variable (de deux mois à un semestre, voire deux ans). Certaines formations sont liées à un point technique particulier. En octobre dernier, trois équipages ont ainsi passé cinq semaines à la base d’Holloman au Nouveau-Mexique pour apprendre le pilotage des drones Reaper. La France vient d’acheter ses deux premiers modèles aux Etats-Unis.

La majeure partie des officiers français détachés aux États-Unis sont dans l’aéronavale pour des formations non disponibles en France. Les Etats-Unis sont en effet d’abord considérés comme une puissance aérienne, c’est pourquoi le chef de mission de défense de l’ambassade de France est souvent pilote de formation. Les pilotes français et américains de l’aéronavale font des exercices ensemble presque sans discontinuité depuis 1947. Une douzaine d’officiers français s’entraîne par exemple à Lauderdale, près de Meridian, dans le Mississippi, la base aéronavale de l’US Navy. Ils apprennent à maîtriser des appontages sur le porte-avions USS Carl Vinson ou se familiarisent avec les avions AWACS (Airborne Warning and Control System, avions de surveillance munis d’un système de stations radar), la France ne disposant que de quatre appareils. Au bout de deux ans, lors de la cérémonie du « macaronage », les Français reçoivent des mains de leurs collègues américains leurs insignes de pilote. Deux paires d’ailes, françaises et américaines, sont fièrement accrochées sur leurs uniformes.

Les dirigeants militaires d’hier et de demain formés aux Etats-Unis

Certains parcours sont emblématiques. En 1974, l’élève officier Stéphane Abrial intègre l’US Air Force Academy. Il participe aux fréquents exercices franco-américains et noue en permanence des contacts afin de suivre l’évolution des esprits et des tactiques outre-Atlantique. Son expérience américaine est mise à profit lorsqu’il prend la tête de la cinquième escadre de chasse pendant la première guerre du Golfe (1990-1991). L’année suivante, il fait un passage à l’Air War College, sur la base américaine de Maxwell, à Montgomery (Alabama). Ce séjour lui procure une « ouverture internationale incomparable » puisque sa promotion compte des stagiaires de trente-deux pays. Il participe à des groupes de travail destinés à tirer les leçons de l’engagement en Irak, qui ont aussi nourri la réflexion stratégique française. Une vingtaine d’années plus tard, il devient le premier commandant français du Supreme Allied Command Transformation (SACT) de l’OTAN à Norfolk, en Virginie, poste qu’il a occupé jusqu’en octobre 2012. Aujourd’hui conseiller du PDG de Safran, il déclare toujours mettre à profit son expertise américaine, « de la même manière que sous l’uniforme ».

Stagiaire au National War College de Washington D.C., la plus prestigieuse école de formation des dirigeants militaires et civils, le colonel Géraud Laborie en est aujourd’hui à son troisième passage aux Etats-Unis. Son cas est évidemment exceptionnel, puisqu’il prendra prochainement ses fonctions d’attaché de défense adjoint à l’ambassade de France aux Etats-Unis. Il pourra ainsi s’appuyer sur sa bonne connaissance du milieu militaire américain et sur son réseau de collègues et d’anciens camarades de classe, qui, s’il n’ouvre pas toutes les portes, facilitera grandement les contacts.

La défense française à l’école américaine
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